Teninfos vous propose les réflexions de Chloé BOLAC, une grande consultante chez WAVESTONE. Sa réflexion présente un aperçu des enjeux de la flexibilité des réseaux électriques qui constitue « une réponse à la hausse des contraintes sur le réseau électrique (In Texto)…
À chaque instant, la puissance électrique injectée sur le réseau (produite de manière domestique ou importée) doit être égale à la puissance électrique soutirée (consommée ou exportée). Cet équilibre permet de conserver la fréquence du réseau à 50 Hertz, assurant ainsi son bon fonctionnement.
Sans cet équilibre, le réseau risque un “black-out” : une coupure de courant généralisée à une grande partie du territoire, voire à son intégralité. Ce phénomène a déjà pu être constaté au Texas en février dernier ou encore en Italie en 2003.
Les conséquences d’un black-out ne sont pas aisées à évaluer. D’un point de vue financier, la facture peut se chiffrer en milliards d’euros, mais d’autres impacts sont à prendre en compte : coupure de l’eau potable, accidents corporels, arrêt des moyens de transport…
De nombreux acteurs sont donc impliqués dans l’équilibrage permanent du réseau : les gestionnaires de réseau de transport et de distribution, les fournisseurs d’électricité, les producteurs… Pour cela, ils ont à leur disposition différents mécanismes d’équilibrage pour palier à d’éventuels déséquilibres.
La flexibilité du réseau électrique est la capacité des acteurs, producteurs ou consommateurs, à moduler volontairement la puissance d’un ou plusieurs sites, à la hausse ou à la baisse, afin de palier à un déséquilibre sur le réseau.
Différentes actions sont possibles en fonction du type d’acteur concerné. Les producteurs pourront par exemple, en fonction de la source de leur énergie, piloter la puissance de leurs centrales thermiques, nucléaires, ou encore écrêter leur production éolienne, c’est-à-dire ne pas écouler le surplus de production pour éviter un déséquilibre du réseau.
Depuis quelques années, le réseau est soumis à de nouvelles contraintes. Le mix électrique se modifie pour devenir de moins en moins pilotable, notamment avec la diminution de la part du nucléaire et du thermique, moyen de production dont il est facile de moduler la puissance.
A quoi ressemble la flexibilité aujourd’hui ?
De nombreux projets de flexibilité sont à l’étude dans le cadre de démonstrateurs smartgrids mais aujourd’hui, trois grandes catégories de flexibilités sont à l’œuvre dans l’équilibrage du réseau électrique :
Le pilotage de la production
C’est un levier de flexibilité historique qui se veut très efficace lorsque la source d’énergie produite est pilotable : on peut moduler la production en fonction des besoins du réseau, à l’image de l’énergie nucléaire (grâce à des courbes de charges) ou hydraulique (en modulant le débit des barrages hydroélectriques).
RTE, en sa qualité de responsable d’équilibre au niveau national, dispose de réserves de production activables en quelques secondes, ce qui offre une marge de manœuvre en cas de besoin immédiat d’injection sur le réseau.
Afin de piloter la production, il est également possible d’écrêter l’énergie produite lorsque l’injection sur le réseau est trop importante. Cette pratique est principalement utilisée pour les énergies renouvelables car il n’est pas possible de piloter directement leur production, on parle alors d’effacement. En échange, les producteurs peuvent être rémunérés, en acceptant par exemple une ORI, offre de raccordement intelligent une proposée par Enedis, qui permet de diminuer les couts et délais de raccordement au réseau électrique.
Le pilotage de la consommation
Il se matérialise par exemple par l’adaptation des processus industriels aux besoins du réseau. Si une partie d’un processus industriel peut être réalisée lorsque la demande en électricité est faible, comme la nuit, son décalage dans le temps va permettre de soulager les contraintes du réseau et l’industriel en sera rémunéré.
Les interconnexions
Ces « raccordements » permettent de tirer profit des spécificités et complémentarités de chacun. La mutualisation des écarts de production et de consommation de chaque pays permet également une sécurité d’approvisionnement supplémentaire et une meilleure compétitivité des prix.
C’est pourquoi de nombreuses infrastructures sont en cours de construction ou à l’étude, comme le projet Aquind qui vise à créer une nouvelle liaison électrique entre la France et le Royaume-Uni.
La crise Covid-19 et son impact sur les réseaux électriques ont relevé la nécessité de développer les leviers de flexibilité plus rapidement que prévu.
À n’en pas douter, l’évolution du mix électrique et l’électrification des usages vont transformer le paysage des réseaux tel que nous le connaissons. De nombreuses solutions se développent afin de rendre les réseaux électriques plus intelligents et adapté à ces changements.
Bien qu’il n’y ait pas de solution unique, l’émergence de projets à différentes échelles (internationales, nationales et locales) combiné à une évolution des pratiques de consommation semble tracer la voie d’une transition pour les réseaux d’électricité.